lundi 7 juillet 2025

Le soutien au mariage homo est en baisse aux États-Unis

Le premier mariage homosexuel légal aux États-Unis a eu lieu à la mairie de Cambridge, dans le Massachusetts, en 2004. Le président George W. Bush a condamné cette évolution, tout comme les politiciens démocrates. À l'époque, la plupart des Américains étaient d'accord : les sondages montraient que près de deux fois plus de personnes s'opposaient au mariage gay que ne le soutenaient. Mais le soutien du public au mariage homosexuel a augmenté. Et ce qui avait commencé comme une décision judiciaire défendue par des libéraux portant des sandales Birkenstock est devenu la loi du pays il y a dix ans, le 26 juin 2015, lorsque la Cour suprême a statué dans l'affaire Obergefell c. Hodges que les couples homosexuels avaient le droit de se marier.

Dix ans plus tard, un nombre croissant de données d'enquête indiquent un renversement de la tendance à la hausse du soutien au mariage homosexuel. Ce changement est dû à une forte baisse du soutien parmi les républicains. L'enquête sociale générale, par exemple, montre que depuis 2018, le soutien des démocrates au mariage homosexuel a légèrement augmenté, passant de 77 % à 80 % ; le soutien des républicains a chuté de 58 % à 45 % au cours de la même période.

Cette désapprobation grandissante de l'opinion au sujet du mariage homosexuel au sein du parti majoritaire commence à avoir des conséquences concrètes dans les tribunaux et les assemblées législatives des États. En février, par exemple, un représentant de l'État du Michigan a présenté une résolution exhortant la Cour suprême à annuler l'arrêt Obergefell. Bien qu'elle ait été rejetée, des propositions similaires émanant de législateurs républicains ont vu le jour dans l'Idaho, le Montana et ailleurs. Ce mois-ci, la Southern Baptist Convention, la plus grande confession protestante des États-Unis, a également appelé à l'annulation de l'arrêt Obergefell. Dans certains États, les républicains font avancer des projets de loi sur le mariage « conventionnel » qui créeraient une catégorie distincte d'unions réservées aux couples hétérosexuels.

Il est peu probable que l'arrêt Obergefell soit annulé par la Cour suprême ; seul le juge Clarence Thomas a laissé entendre qu'il irait aussi loin. Mary Bonauto, l'avocate qui a plaidé avec succès cette affaire historique, affirme que la décision est protégée par un précédent qui « renforce les droits à la liberté, à l'égalité et à l'association ». Pourtant, l'opposition croissante au mariage gay inquiète Leah Litman, professeure de droit à l'université du Michigan. Elle craint que les récentes décisions de la Cour suprême autorisant les chefs d'entreprise à refuser les clients LGBT célébrant des mariages homosexuels pour des raisons religieuses et morales ne sapent davantage le soutien du public aux mariages homosexuels

Pourquoi le mariage homosexuel, une question qui semblait vouée à devenir ennuyeuse et réglée, est-il revenu sur le devant de la scène politique ? Plusieurs théories se dégagent. L'une d'elles est que la composition de la coalition républicaine a changé. Le parti a gagné le soutien des groupes ethniques et des électeurs moins éduqués, deux groupes qui sont plus sceptiques à l'égard du mariage homosexuel. Il peut également y avoir une certaine auto-sélection, les républicains modérés fuyant le trumpisme tandis que les démocrates socialement conservateurs migrent vers le parti.

Mais l'analyse des données GSS par The Economist montre que ces facteurs ne peuvent à eux seuls expliquer l'ampleur du déclin du soutien des républicains au mariage homosexuel. Le rythme de cette baisse dépasse de loin celui des changements démographiques au sein du parti. Et si l'auto-sélection était la cause principale, le soutien des démocrates devrait augmenter dans les mêmes proportions, à mesure que les électeurs socialement conservateurs quittent le parti.

Une théorie plausible est que le débat autour du traitement médical des enfants transgenres et l'opposition généralisée à la participation des filles transgenres aux sports féminins ont compliqué l'attitude du public à l'égard des droits des homosexuels. Certains progressistes ont associé une cause publique à laquelle de nombreux Américains ne se sont ralliés que récemment (les "droits des homosexuels") à une cause impopulaire. Et certains conservateurs ont exploité cela pour attaquer l'argument en faveur du mariage homosexuel.

Pas moins de 70 % des Américains estiment que dans le sport, les athlètes devraient affronter des adversaires du même sexe biologique, même si cela diffère de leur prétendue identité de genre. Il est difficile de trouver un tel niveau de soutien pour quoi que ce soit dans un pays divisé à parts égales. Dans un sondage YouGov/The Economist, deux tiers des personnes interrogées qui estiment que les droits des transgenres sont allés trop loin s'opposent également au mariage homosexuel.

Le soutien au mariage homosexuel a augmenté rapidement, une rapidité qui, selon les politologues, suggère des attitudes malléables plutôt que profondément ancrées. Les opinions qui se forment rapidement peuvent changer tout aussi rapidement. Les politiciens jouent un rôle important en « aidant à comprendre quelle devrait être la position politique à adopter », ajoute Andrew Flores, politologue à l'American University. L'évolution du soutien public au mouvement envers les prétendus droits des transgenres au cours de la dernière décennie offre un exemple édifiant. En 2016, la Caroline du Nord a adopté sa loi dite « bathroom bill », qui obligeait les personnes à utiliser les toilettes correspondant à leur sexe biologique. La question est devenue un test partisan lorsque les politiciens républicains se sont positionnés comme « anti-trans », tandis que les politiciens démocrates ont fait le contraire.

Une analyse des données d'une enquête réalisée en 2018 par Philip Edward Jones et Paul Brewer, politologues à l'université du Delaware, a révélé que les opinions des électeurs sur les questions transgenres à l'époque suivaient généralement les indications données par l'élite de leur parti.

Aujourd'hui, certains dirigeants républicains, ou mouvements qui leur sont alignés, s'attaquent au mariage pour tous. Même si l'arrêt Obergefell est maintenu, « il existe de nombreux moyens de nuire aux couples homosexuels sans pour autant invalider leur mariage », note Melissa Murray, professeure de droit à l'université de New York. La dissidence du juge Neil Gorsuch concernant une décision de 2017 obligeant les États à inscrire les deux membres d'une union homosexuelle sur l'acte de naissance de leur enfant pourrait ouvrir la voie à de futures contestations sur ce que les États « peuvent et ne peuvent pas faire » en matière de familles homosexuelles, note-t-elle. Pour les homosexuels américains, le terrain qui semblait solide il y a dix ans semble désormais vaciller sous leurs pieds.


Source: The Economist

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Chine — Ruée vers les études d'ingérieurs (baisse dans les sciences humaines avec une exception)



Les universités chinoises accueillent chaque année plus d'un million de nouveaux étudiants en ingénierie

Toujours complet

Les larmes et les efforts en valaient la peine. Quelque 4,8 millions d'élèves apprendront bientôt que leurs résultats au récent examen gaokao leur ont permis d'obtenir une place dans un cursus universitaire de licence, contrairement à 8 millions de leurs camarades qui ont passé le même examen. Comment tirer le meilleur parti de leur brillant avenir ? Pour beaucoup, la réponse est d'étudier l'ingénierie.

Plus de la moitié des jeunes Chinois suivent aujourd'hui des études supérieures, dispensées par quelque 3 000 établissements. En Chine, comme ailleurs, l'abondance des diplômes a réduit la valeur de chacun d'entre eux. Et avec le ralentissement économique (relatif) de ces dernières années, le taux de chômage des jeunes a augmenté, même parmi les diplômés. Il était de 14,9 % en mai, selon le gouvernement. Pour se démarquer, les jeunes veulent obtenir les diplômes les plus prestigieux.

En 2022, dernière année pour laquelle des données sont disponibles, 36 % de tous les étudiants chinois entrant à l'université, soit environ 1,6 million de personnes, ont choisi un diplôme d'ingénieur, contre 32 % en 2010. En Grande-Bretagne et aux États-Unis, où le nombre d'étudiants est beaucoup moins important, cette proportion oscille autour de 5 %. Ce n'est pas parce que les adolescents chinois sont particulièrement friands de tournevis. C'est plutôt parce que le gouvernement chinois est remarquablement doué pour attirer les jeunes vers les domaines de haute technologie qu'il souhaite dominer.

Les obsessions du Parti communiste ont longtemps façonné les choix éducatifs en Chine. Il exerce un contrôle strict sur les universités : leurs dirigeants sont presque toujours membres du parti et leur financement provient en grande partie de l'État, plutôt que des frais de scolarité. Au cours des premières décennies du régime communiste, la petite proportion de jeunes Chinois qui accédaient à l'université étudiaient des matières pratiques telles que l'exploitation minière et l'ingénierie, afin de contribuer à l'industrialisation du pays, et l'agriculture, afin de le nourrir.

Les choix des étudiants se sont légèrement élargis dans les années 2000, avec l'essor du secteur privé en Chine. Alors que de plus en plus d'étudiants se tournaient vers l'économie ou la gestion d'entreprise, la part de ceux qui étudiaient l'ingénierie a diminué. Les langues étrangères, la littérature et les arts sont également devenus de plus en plus populaires. Mais cette tendance s'est arrêtée. Aujourd'hui, les élèves choisissent généralement l'ingénierie parce qu'ils s'inquiètent de trouver un emploi, rapporte un enseignant d'une école de Pékin.

Les autorités chinoises ont accéléré cette évolution. Le parti est un grand adepte de cette discipline. De nombreux hauts fonctionnaires, dont Xi Jinping, le dirigeant chinois, sont titulaires d'un diplôme d'ingénieur. Ils souhaitent désormais que de nouvelles promotions de jeunes ingénieurs viennent soutenir le secteur manufacturier de haute technologie en Chine. En 2023, les responsables ont commencé à demander aux universités de revoir leurs programmes d'études afin de se concentrer davantage sur les industries stratégiques et les goulets d'étranglement technologiques. L'année dernière, le ministère de l'Éducation a annoncé un « mécanisme d'urgence » visant à créer plus rapidement des diplômes afin de répondre aux « priorités nationales ».

Tout cela a conduit à une multiplication des nouveaux diplômes d'ingénierie spécialisés. Plus de 600 universités chinoises proposent désormais des programmes de premier cycle en intelligence artificielle (IA), un domaine que le parti s'est engagé à dominer d'ici 2030. Le fondateur de DeepSeek, une entreprise dynamique spécialisée dans l'IA, a étudié cette matière à l'université de Zhejiang, dans l'est de la Chine. Parallèlement, de nombreux ingénieurs de l'entreprise ont été formés dans les universités prestigieuses de Pékin et de Tsinghua, à Pékin.

L'année dernière, plusieurs établissements ont commencé à proposer des diplômes dans les technologies « à basse altitude », telles que les drones de livraison et les voitures volantes, que les responsables considèrent comme une nouvelle source de croissance économique. L'année prochaine, certains établissements proposeront des diplômes dans la fabrication de dispositifs médicaux, un secteur dans lequel la Chine dépend pour l'instant des entreprises américaines.

La demande pour ces nouveaux cursus est forte. Les parents chinois de la classe moyenne accordent une grande attention aux options qui s'offrent à leurs enfants. Ils pensent que si le gouvernement promeut un nouveau diplôme, il y a de fortes chances que des fonds publics soient alloués aux industries connexes dans les années à venir et que des débouchés professionnels en découlent, explique Jiang Xueqin, consultant en éducation à Pékin. Ils poussent donc leurs enfants à suivre ces études.

Dans le même temps, le financement des diplômes jugés moins utiles par le gouvernement diminue, voire disparaît complètement. Certains cours de gestion ou d'économie dans les universités chinoises peuvent être médiocres (la Chine les propose depuis relativement peu de temps et ils sont généralement pris moins au sérieux par les administrateurs). Les sciences humaines sont considérées comme une option plus facile. Dans tout le pays, les établissements ont mis fin à plus de 5 000 programmes au cours des cinq dernières années.

Ce printemps, la prestigieuse université Fudan, située à Shanghai, a annoncé qu'elle réduisait la part des places qu'elle offrait aux étudiants en sciences humaines de 30 à 40 % du total à 20 % afin de développer ses programmes de haute technologie et de créer de nouvelles « écoles d'innovation ». L'année dernière, l'université du Sichuan, dans la ville de Chengdu, au sud-ouest du pays, a cessé de proposer des diplômes en musicologie, en assurance et en études télévisuelles. Deux provinces ont déclaré qu'elles réduiraient le nombre d'étudiants poursuivant des études en anglais. Et plusieurs universités ont promis de supprimer d'autres matières si une proportion élevée de diplômés dans ces domaines ne parvenait pas à trouver un emploi.

Ingénierie sociale

Un type de diplôme en sciences humaines gagne toutefois en popularité : celui qui glorifie le parti. Certaines universités proposent désormais des diplômes en histoire du parti, remplis de récits élogieux sur son règne en Chine. Au cours de la dernière décennie, le nombre de facultés d'études marxistes dans les universités chinoises est passé de 100 à plus de 1 400. Elles proposent des diplômes de licence, de maîtrise et de doctorat dans cette matière (il va sans dire que ces facultés sont toutes dirigées par des membres du parti). Et au moins dix universités ont créé des centres spécialement dédiés à l'étude de la philosophie politique de M. Xi. Ces cours, au moins, ne sont pas près de disparaître.


Histoire — Le 8 juillet 1758 eut lieu la victoire française de Fort Carillon

La bataille de Fort Carillon eut lieu le 8 juillet 1758 à Ticonderoga, au sud du lac Champlain (de nos jours dans l’État de New York) dans le cadre de la guerre de Sept Ans. La bataille eut lieu à Fort Carillon entre le lac Champlain et le lac George, qui séparaient la colonie anglaise de New York de la colonie française du Canada. Le Canada français à l’époque comprend les actuelles provinces de Québec, Ontario, Manitoba, Nouveau-Brunswick, l’île du Prince-Édouard et une partie de la Nouvelle-Écosse, ainsi que des États américains comme l’Ohio, l’Indiana, l’Illinois, le Michigan, le Wisconsin, le Nord des États de New York, du Maine, du Vermont et du Nouveau Hampshire.

Cette victoire décisive française retarda d’un an l’invasion de la vallée du Saint-Laurent.

Localisation de Fort Carillon
La bataille eut lieu à environ un kilomètre du fort lui-même. Une armée française et canadienne de presque 4 000 hommes sous le commandement du général Louis-Joseph de Montcalm et du Chevalier de Lévis remporta une victoire sur une force militaire anglaise quatre fois supérieure de 16 000 hommes sous le commandement du général James Abercrombie. Ce dernier attaqua des positions françaises bien retranchées sans appui d’artillerie. La bataille fut la plus sanglante de la guerre avec plus de 3 000 victimes, dont 2 000 furent anglaises.

L’historien américain Lawrence Henry Gipson écrit que la campagne d’Abercrombie fut semée d’erreurs. Plusieurs historiens militaires ont cité la bataille de Carillon comme exemple classique d’incompétence militaire. Abercrombie, confiant en une victoire éclair, n'envisagea pas plusieurs options militaires viables en compte, comme le contournement des défenses françaises en attendant son artillerie ou de faire le siège du fort. Il fit plutôt confiance à un rapport erroné de son jeune ingénieur militaire et ignora ses recommandations. Il décida un assaut frontal sur les positions françaises, sans l’appui de l’artillerie. Montcalm, malgré son mépris pour la faible position militaire du fort, a conduit la défense avec brio.

Le fort Carillon restauré
Le Fort Carillon est situé sur une pointe au sud du lac Champlain et au nord du lac George, un point naturel de conflit entre les forces françaises se déplaçant vers le sud de la Nouvelle-France par la rivière Richelieu et à travers la vallée du lac Champlain vers la vallée de l’Hudson, et des bandes iroquoises au début de la colonie puis des forces britanniques de New York remontant vers le nord. Le fort est entouré d’eau sur trois côtés et, sur une moitié du quatrième côté, par un marécage. La portion restante a été puissamment fortifiée par de hauts retranchements, soutenus et accompagnés par trois batteries de canons, et devant cet ensemble, par des abattis d’arbres dont les bouts des branches furent durcis au feu, créant ainsi une formidable défense. Le fort Carillon contrôlait donc le Sud du lac Champlain et l’accès au fleuve Hudson. C’est par ce fort que les troupes du marquis de Montcalm partirent détruire le Fort William Henry, en août 1757.

Montcalm avait organisé les forces françaises et canadiennes en trois brigades et une réserve. Il commandait le régiment Royal-Roussillon et le régiment de Berry au centre des retranchements défensifs alors que Lévis commandait le régiment de Béarn, le régiment de Guyenne, et le régiment de la Reine sur la droite et Bourlamaque commandait le régiment de La Sarre et le régiment de Languedoc sur la gauche. À chaque bataillon furent données à peu près 100 verges (90 mètres) de retranchements à défendre. Les redoutes avec des canons protégeaient les flancs des retranchements bien que celle de droite ne soit pas achevée. Le terrain plat entre le flanc gauche et la rivière de La Chute était gardé par la milice et la marine, qui avaient aussi construit des abattis pour protéger leurs positions. Les forces de réserve étaient soit dans le fort, soit sur les terrains entre le fort et les retranchements sur le mont Espoir. Des détachements de chaque bataillon étaient tenus en réserve, pour intervenir dans les endroits où l’on aurait besoin d’eux.

Les troupes françaises s’avancent sur le mont Carillon à l’ouest du Fort

Les 3 600 hommes (dont les 400 Canadiens du chevalier de Lévis) de Louis-Joseph de Montcalm et 300 Abénaquis brisèrent l’assaut des 16 000 Britanniques (dont 6 000 tuniques rouges et 10 000 coloniaux) et de leurs alliés sauvages, les Agniers (qui ne prirent pas part à la bataille), sous les ordres du major général James Abercrombie.

La position française était organisée de sorte qu’ils pouvaient tirer sur les forces britanniques lors de leur avance. L’abattis devint vite un champ de morts. Vers 14 h, il était clair que la première vague d’attaque était un échec. Montcalm était actif sur le champ de bataille, après avoir enlevé son manteau, il se déplaça pour visiter ses soldats et les encourager en s’assurant que tous leurs besoins fussent satisfaits (voir l’illustration ci-dessous).

Montcalm et ses troupes victorieuses

Après que la première vague d’attaque eut échoué, Abercrombie persista à lancer d’autres attaques similaires. Lorsqu’il écrira pour sa défense, il rejettera le tort sur l’évaluation de Clerk selon laquelle les défenses françaises pouvaient facilement être prises d’assaut.

À environ 14 h, les barges britanniques qui portaient l’artillerie lourde commencèrent à descendre la rivière de La Chute et, contrairement au plan initial, descendirent le canal entre une île dans la rivière et la rive proche du fort français. Ceci les amena à portée des lignes françaises sur les berges et de quelques-uns des canons du fort. Les canons du côté sud-ouest du fort coulèrent deux des barges, ce qui fit battre les autres barges en retraite.

À environ 17 h, le 42e régiment britannique entama une offensive désespérée qui réussit finalement à atteindre le mur des Français ; mais ceux qui avaient l'avaient franchi se firent accueillir à la baïonnette. Un observateur britannique mentionna que « Nos forces tombèrent très vite », et un autre écrivit qu’« elles furent fauchées comme de l’herbe ». La tuerie continua jusqu’au coucher du soleil

Réalisant enfin l'ampleur du désastre, Abercrombie ordonna à ses troupes de plier bagage et de marcher vers un espace dégagé sur le lac George. La retraite au travers de la forêt sombre fut faite en panique et dans le désarroi puisque circulaient des rumeurs dans les rangs d’une attaque des Français. À l’aube, le matin suivant, l’armée remonta le lac George, pour regagner sa base au sud au coucher du soleil. La défaite humiliante de la retraite était immédiatement manifeste à certains participants à la bataille ; le lieutenant colonel Artemas Ward écrivit qu’« ils se sont retirés avec honte ».

Abercrombie avait mené une attaque brusquée de 12 h à 19 h sans son artillerie sur la face la mieux protégée du bastion. Le capitaine-ingénieur Pierre Pouchot de Maupas laissa le récit détaillé de la terrible bataille et de la glorieuse victoire. C’est lui qui commanda le feu quand les ennemis, croyant voir un drapeau parlementaire, s’étaient approchés du retranchement : 300 Anglais tombèrent foudroyés à bout portant.

Les Britanniques laissent près de 2000 soldats tués ou blessés (certaines sources parlent de 3000, d’autres de 1500 morts et blessés). L’armée française compte 106 tués et 266 blessés, les envahisseurs se retirèrent vers le lac du Saint-Sacrement (aujourd’hui lac George), abandonnant armes, munitions et blessés. Le 42e régiment royal des Highlands (Black Watch) perdit la moitié de son effectif. Du côté français, les pertes furent nettement moindres : 104 tués et 273 blessés.

Cérémonie et monuments près des retranchements (le mur des français)
 
L’armée française resta sur les lieux au Fort Carillon jusqu’à la fin d’août. Le 21, Montcalm organisa une fête mi-guerrière et mi-religieuse. L'aumônier, M. Picquet, bénit une grande croix qu’on érigea sur le plateau de Carillon, entre les retranchements et le fort. À droite et à gauche, deux poteaux marqués aux armes de France, portaient des inscriptions latines. Montcalm rédigea la première, l'abbé Picquet, la seconde. Voici cette dernière: « Non plus ultra, qui jam a Gallis caesi, victi, fugatique fuistis Angli, anno 1758, die vero 8 Julii, septem contra unum. » Soit en français:  « Vous n’irez pas plus loin, Anglais, qui sept contre un, avez été taillés en pièces, vaincus et mis en déroute par les Français, le 8 juillet 1758. »


Plaque en latin marquant le défaite des Anglais pourtant plus nombreux

Le retranchement aujourd'hui (il existe encore un talus et une tranchée)


Un des monuments sur le site de la bataille

Inscription près de la réplique de la croix érigée par Montcalm après la victoire. « Qu’a fait le général ? Qu’ont fait les soldats ? À quoi ont servi ces arbres énormes renversés ? Voici l'étendard ! Voici le vainqueur ! Dieu, ici, Dieu même, triomphe ! »

 
Plaque sur le site de la bataille reproduisant le quatrain que Montcalm envoya à sa mère
 

Le Drapeau de Carillon

Après la conquête de 1760, le Québec a progressivement été dépouillé de ses symboles distinctifs : le castor, la feuille d’érable et jusqu’à son nom de « Canadien », tous confisqués par le Canada anglais. Ne semblaient plus rester que de vagues légendes et coutumes devant tout autant aux Autochtones et Irlandais qu’aux Français. Durham put alors écrire en 1839 que ce peuple n’a ni histoire ni littérature.

Qui plus est, le seul drapeau désormais hissé au Québec est celui du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande, l’Union Jack ; il représentera le Canada à l’international, lors des deux guerres mondiales, aux Jeux olympiques et jusqu’au cœur des années 1960.

Un siècle après la conquête, les francophones n’avaient donc ni de nom, ni de symboles distinctifs, ni même de drapeau. Les patriotes tentent bien d’en populariser un arborant trois bandes horizontales (verte, blanche et rouge), ainsi que divers autres symboles républicains, mais ils sont écrasés en 1837-1838. Lors des défilés Saint-Jean-Baptiste du 24 juin, on se rabattra donc sur le petit Saint-Jean-Baptiste accompagné d’un mouton et, en guise de drapeau, sur le tricolore bleu, blanc, rouge, piètre rappel des racines françaises.

Au milieu du XIXe siècle, la fleur de lys et les autres emblèmes français avaient résolument disparu du paysage québécois. À l’automne 1847, Louis de Gonzague Baillairgé, avocat distingué de Québec, est contacté par un mystérieux prêtre l’avisant être en possession d’une pièce inestimable. L’homme est en fait le frère Louis Martinet, dit Bonami, le dernier survivant de l’ordre des Récollets au Québec qui, avant de mourir, souhaitait raconter à Baillairgé l’histoire du drapeau de Carillon…

Avers et revers du drapeau Carillon

Présent à la bataille, le Supérieur des Récollets avait alors rapporté à Québec l’étendard qu’avaient brandi les troupes françaises, représentant quatre fleurs de lys pointant vers un centre marqué des armes du roi de France. La précieuse relique fut ensuite conservée, malgré la conquête anglaise ainsi qu’un incendie qui dévasta l’église de l’ordre où l’étendard était conservé jusqu’en 1796. Pieusement remisée dans un coffre, la relique s’était ainsi retrouvée en possession du dernier survivant de l’ordre qui souhaitait maintenant, par le biais de Baillairgé, la rendre au peuple québécois comme le témoignage d’une de ses plus glorieuses pages d’histoire.

Dès le 24 juin 1848, Baillairgé souhaita faire connaître sa découverte et prêta le fameux étendard qui « aurait vu le feu à Carillon » pour qu’il fût présenté à la foule lors du défilé de la Saint-Jean-Baptiste de Québec. Le drapeau frappa immédiatement l’imaginaire du peuple qui lui voua aussitôt un culte. En 1858, Octave Crémazie allait lui consacrer son plus célèbre poème, Le drapeau de Carillon, qui allait devenir une chanson populaire. La renommée de la relique était dès lors assurée. Avec l’étendard de Carillon, ce sont toutes les origines françaises qui refont surface : la croix de Gaspé, les armoiries de Québec, les enseignes régimentaires de la Nouvelle-France.

La chanson Ô Carillon

En 1902, le curé de Saint-Jude, Elphège Filiatrault en proposa une version assortie d’une croix blanche et d’un cœur de Jésus à la place des armoiries. Le Carillon Sacré-Cœur était né. Il s’imposa peu à peu lors des défilés de la Saint-Jean-Baptiste.

Le Carillon-Sacré-Coeur

Partout cependant, l’Union Jack continuait à trôner. En 1947, la Fédération des sociétés Saint-Jean-Baptiste (aujourd’hui le MNQ) réclama donc que le Québec se dote d’un drapeau véritablement national et dont nous soyons fiers. La pression devint alors si forte sur le Premier ministre Maurice Duplessis qu’il prit l’initiative de faire enlever l’Union Jack du Parlement et de hisser à la place le fleurdelisé, le 21 janvier 1948, un siècle presque jour pour jour après qu’on eut tiré de l’oubli le glorieux drapeau de Carillon.

Partout au Québec, ce geste fut salué comme une grande source de fierté nationale. Au Canada anglais en revanche, ce fut la consternation. Jamais une autre province ni même le Canada n’avaient songé à remplacer le drapeau anglais comme emblème du pays. Le geste du Québec était donc sans précédent.

mercredi 2 juillet 2025

Les jeunes femmes plus de gauche car plus exposées aux discours de gauche sur internet, à l'université ?

Une jeune manifestante brandit une pancarte, le 8 mars dernier, lors de la manifestation parisienne célébrant la Journée internationale des droits de la femme.


En France, les jeunes femmes votent plus pour La France insoumise [parti d'extrême gauche] que leurs homologues masculins. Cette radicalisation de la jeunesse féminine à gauche se retrouve partout en Occident. 

[...] Comme le remarquait la chercheuse Kay S. Hymowitz dans un article du journal conservateur City journal intitulé « The New Girl Desorder », les jeunes femmes sont de plus en plus nombreuses dans les manifestations propalestiniennes sur les campus occidentaux.

Sans directement s’identifier à l’insoumise en quête de frissons, une partie de la jeunesse féminine française semble bel et bien adhérer aux idées de la gauche… la plus à gauche. C’est en tout cas ce que révèle une étude Ifop-Hexagonal publiée en mai 2025. On y apprend que 32 % des jeunes sondées de 18 à 24 ans seraient enclines à voter pour le candidat traditionnel de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, à la prochaine présidentielle en 2027. Ce pourcentage s’effondre à mesure que l’âge augmente : elles seraient 12 % parmi les 25-64 ans et 2 % chez les 65 ans et plus. La proportion est également plus basse chez leurs homologues masculins : chez les 18-24 ans, ils seraient moins de 24% à envisager de voter pour Jean-luc Mélenchon, soit 8 points de moins que les femmes. Et si elles sont à gauche, les jeunes hommes, pour leur part, serrent les rangs à droite. « À la dernière présidentielle en 2022, ce sont seulement 16 % des femmes de moins de 25 ans qui ont donné leur voix à la droite nationale contre 33 % des hommes du même âge. C’est du simple au double», résume le directeur du pôle politique-actualités à l’ifop, François Kraus, qui précise toutefois que les Françaises sont bien moins hostiles à l[a prétendue] extrême droite aujourd’hui qu’auparavant. Les écarts étaient similaires aux Européennes et aux législatives de 2024, précise le sondeur.

Ce «gender gap» (« fossé/écart/clivage de genre») est donc bien ancré et très récent. « Cela fait 5 à 8 ans que l’on retrouve ces chiffres », estime François Kraus. Le fossé était en effet bien moins important au premier tour de l’élection présidentielle de 2017. Si 27 % des femmes de moins de 35 ans avaient voté pour Jean-luc Mélenchon, 24% des hommes du même âge avaient aussi glissé son nom dans l’urne. En 2012, la différence était encore plus faible. François Hollande et Jean-Luc Mélenchon avaient réuni au total 41 % des voix de la jeunesse, donnant à voir un vote de gauche chez les jeunes, tout à la fois moins radical et plus égalitaire. Outre-atlantique, on retrouve le même tropisme récent chez les jeunes Américaines, détaille un article du Financial Times publié en janvier 2024. « À la dernière présidentielle américaine, chez les 18-29 ans, les jeunes femmes qui ont voté Kamala Harris étaient bien plus nombreuses que les garçons du même âge, avec 14 points d’écart », explique Flora Baumlin, directrice d’expertise au sein du département opinion de l’ifop. Même constat chez nos voisins allemands et anglais.

« Une nouvelle fracture mondiale entre les sexes se dessine », a ainsi titré le Financial Times. « Sur tous les continents, un fossé idéologique s’est creusé entre les jeunes hommes et les jeunes femmes. Des dizaines de millions de personnes qui occupent les mêmes villes, lieux de travail, salles de classe et même foyers ne partagent plus la même vision », peut-on y lire. Les filles et garçons vivent donc côte à côte, mais leurs idées, elles, tracent des routes indépendantes, nourries par des algorithmes et des penseurs aux antipodes. Si l’on connaissait jusqu’à présent la fracture sociale, la fracture identitaire et la fracture géographique, il faudra désormais aussi compter avec la fracture sexuelle.

Dès lors, dans l’esprit de nombreuses féministes, la droite et a fortiori l’extrême droite seraient les ennemies de leurs droits et libertés car garantes d’un conservatisme structurellement opposé aux femmes. « Pourquoi des femmes votent RN ? », s’étranglait Anne-Cécile Mailfert, militante féministe et présidente de la Fondation des femmes, sur France Inter en juin 2024. Voter à gauche serait le geste féministe par excellence. Et cette opposition est d’autant plus forte que les jeunes femmes adhèrent davantage que leurs homologues masculins aux thèses sur le genre et s’identifient plus volontiers comme appartenant à des minorités sexuelles. Des sujets largement investis par la gauche radicale. Chez les 18-29 ans, 19 % des femmes ne se définissent pas comme hétérosexuelles, alors qu’ils ne sont que 8 % chez les hommes, nous apprend une étude de l’Ined publiée en avril dernier.

[...]

Les partis de gauche ont ciblé prioritairement les femmes en surfant sur ce mouvement. Cela n’est pas sans rappeler la « stratégie Terra Nova », du nom du think-tank qui avait publié un rapport conseillant au Parti socialiste de dessiner une coalition comprenant les diplômés, les jeunes, les minorités, les quartiers populaires et, bien sûr, les femmes. « La nouvelle gauche a le visage de la France de demain : plus jeune, plus féminin, plus divers, plus diplômé, mais aussi plus urbain et moins catholique », pouvait-on lire.

Face à ces thèses, les hommes seraient-ils dans une pure logique de réaction ? Pour Anne-cécile Mailfert, contactée par Le Figaro, il s’agit surtout d’une logique d’algorithmes. « Si vous créez un profil homme ou femme sur un réseau social, en seulement 24 heures, vous allez être exposé à des contenus très différents », explique-t-elle. Les hommes découvriraient sur leurs écrans de téléphone des contenus masculinistes quand les femmes ouvriraient des vidéos en lien avec la beauté, la nature mais aussi des publications féministes et politisées. Allongés dans leur lit, le mari et la femme pourraient ainsi vivre « dans deux univers parallèles ». « Avant, même s’il y avait déjà des divergences, tout le monde regardait le “20 Heures”. Et qu’ils lisent Libération ou Le Figaro, ils partageaient une base commune. Aujourd’hui, les clivages sont bien plus forts », poursuit la militante. Ces bulles informationnelles donnent à chacun les informations alimentant sa pensée sans risque de contradiction. Et polarisent chaque genre.

Mais la jeunesse n’est pas seulement divisée sexuellement, elle est – comme le reste de la société française - archipélisée et donc plurielle. Et les jeunes sont surtout abstentionnistes. «C’est leur premier parti », pointe le professeur à HEC Yann Algan. «La jeunesse française est persuadée qu’elle vivra beaucoup moins bien que ses parents. L’abstentionnisme ou les votes polarisés sont de simples expressions de ce désespoir », analyse-t-il.

« La polarisation à la gauche de la gauche concerne les femmes issues des classes moyenne et supérieure, qui ont bénéficié d’un certain niveau d’éducation, détaille ainsi François Kraus de l’Ifop. Le modèle type est celui des jeunes filles qui quittent leur province, leur zone pavillonnaire ou leur ville moyenne et qui vont être sensibilisées dans des grandes métropoles à des idées progressistes et aux discours multiculturalistes. Il y a une véritable rupture par rapport au modèle de genre qu’elles avaient jusque-là dans leur vie courante. C’est un mouvement d’acculturation féministe très puissant, que l’on n’a jamais connu jusque-là», poursuit-il. «Les électeurs de Jean-Luc Mélenchon se recrutent massivement parmi les professeurs, les cadres, les diplômés, les étudiants de Sciences Po, la chose est établie. Ceux-là mêmes qui élaborent, diffusent ou simplement donnent leur adhésion à l’idéologie diversitaire et victimaire, à laquelle Jean-Luc Mélenchon s’est converti et dont il se fait le tribun inquiétant », abonde la philosophe Bérénice Levet.

Outre Rima Hassan, il est frappant de constater que la plupart des égéries de la gauche médiatique sont des jeunes femmes. [Les égéries sont des nymphes, muses, des conseillères...],  On peut citer entre autres Salomé Saqué, Camille Étienne ou Greta Thunberg… Cette dernière, la première à avoir fait parler d’elle, suédoise, se trouvait aussi à bord de la « flottille de la liberté » en direction de Gaza aux côtés de Rima Hassan. Suivie par près de 15 millions de personnes sur Instagram, Greta Thunberg a construit son incroyable audience sur son combat écologique affirmée dès le plus jeune âge. Du haut de ses 15, 16 puis 17 ans, de sommets internationaux en grèves de la faim, la jeune militante lançait des «How dare you?» («Comment osez-vous?») à l’adresse de personnalités publiques et politiques d’envergure internationale. Ce faisant, elle a marqué le monde d’un style pour le moins novateur : une jeune fille, mineure à l’époque, peut aisément, et peut-être même mieux que les autres (en tous les cas, selon ses dires) dresser un diagnostic juste sur le monde.

Plus récemment, elle s’est illustrée dans son combat antisioniste entêté, ce qui la catégorise facilement dans les personnalités de gauche qui adhèrent sans aucune nuance à la « convergence des luttes ». Phénomène également à l’origine de ce vote féminin à gauche, pointe Flora Baumlin de l’Ifop. Les thèses intersectionnelles « créent un lien entre différentes formes de domination sociale (classe sociale, genre, race), détaille-t-elle. Les grilles de lecture de cette gauche font des ponts entre différentes formes de militantisme - antiracisme, écologie, féminisme – pour trouver des lignes d’analyse communes. » Les jeunes femmes, qui estiment être victimes d’un système patriarcal, se sentent plus proches de populations qu’elles considèrent elles aussi comme victimes, à l’instar des immigrés ou des étrangers. Et votent logiquement pour ceux qui défendent leurs causes convergentes. De manière bien plus consensuelle et à la sauce française, la journaliste de Blast Salomé Saqué a récemment publié un essai, Résister (Payot), pour se dresser contre l’extrême droite qui met selon elle la France en péril. Le petit ouvrage, déjà vendu à 150 000 exemplaires, dispense un prêt-à-penser à tous ceux qui seraient en mal de repères. La militante travaille pêle-mêle sur l’écologie, le féminisme et les inégalités hommes-femmes.

La présence croissante de tous ces thèmes à l’université serait une des dernières explications de la différence qui s’installe et se creuse entre les hommes et les femmes. Scolairement, ces dernières réussissent en moyenne mieux que leurs homologues masculins et sont de plus en plus présentes dans les études supérieures. En France par exemple, les jeunes femmes sont plus diplômées, quel que soit le niveau d’étude. Mais si tout le monde s’accorde sur les faits, les avis divergent quant à leurs interprétations. Pour certains spécialistes, les jeunes femmes seraient plus diplômées, donc plus éduquées et donc plus progressistes. Pour d’autres, comme Eric Kaufmann, chercheur canadien vent debout contre le wokisme, les femmes (qui constituent 60% du corps étudiant aux Étatsunis) seraient surtout bien plus exposées aux discours intersectionnels que leurs pairs masculins. Ce qui les orienterait vers un vote de gauche. [...]

Source : Le Figaro

 

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mardi 1 juillet 2025

États-Unis - Pour la Cour suprême, parents ont le droit de retirer leurs enfants des cours scolaires susceptibles de violer leurs croyances


La Cour suprême des États-Unis a statué vendredi qu'un groupe de parents du Maryland avait le droit de retirer leurs enfants des cours scolaires susceptibles de porter atteinte à leurs convictions, dans une affaire centrée sur la liberté religieuse. 

Les juges ont décidé à 6 voix contre 3, selon des lignes idéologiques, dans l'affaire Mahmoud c. Taylor, que les parents pouvaient retirer leurs enfants des cours du système scolaire public du Maryland traitant de l'homosexualité et du transgenre s'ils estimaient que ces thèmes étaient en contradiction avec leurs convictions religieuses.

« Un gouvernement entrave la pratique religieuse des parents lorsqu'il leur impose de soumettre leurs enfants à un enseignement qui représente « une menace très réelle de compromettre » les croyances et pratiques religieuses que les parents souhaitent inculquer », a écrit le juge Samuel Alito au nom de la majorité. « Et un gouvernement ne peut subordonner le bénéfice de l'enseignement public gratuit à l'acceptation par les parents d'un tel enseignement. »

L'affaire trouve son origine dans l'intégration, il y a quelques années, par les écoles publiques du comté de Montgomery, de livres mettant en scène des « personnages lesbiens, gays, bisexuels, transgenres et queer » dans leur programme d'enseignement des langues, de la maternelle à la terminale, ont déclaré les avocats du district scolaire à la Cour suprême.

Les avocats ont déclaré que le district scolaire avait pris cette mesure dans le cadre d'une initiative visant à être « sensible à la culture » et à enseigner des leçons qui encouragent « l'équité, le respect et la civilité ».

Les parents du Maryland qui ont intenté le procès ont déclaré dans leur requête à la haute cour que le conseil scolaire avait introduit dans leurs écoles primaires des livres qui faisaient la promotion des « transitions de genre, des marches des fiertés et des relations amoureuses entre personnes du même sexe dans les cours de récréation ».

Les parents ont déclaré que le conseil scolaire avait initialement autorisé les parents à retirer leurs enfants des cours impliquant ces livres, mais qu'il avait ensuite cessé de le faire.

Ils ont également déclaré que la présence de ces livres créait « une pression indirecte pour renoncer à une pratique religieuse », ce qui constituait une charge suffisante pour violer leurs droits à la liberté religieuse.

La juge de gauche Sonia Sotomayor, rédigeant l'opinion dissidente, a déclaré que le fait d'exposer les élèves à l'existence des personnes LGBTQ ne justifiait pas l'intervention de la Cour suprême. Elle a ajouté qu'elle pensait que la décision de la haute cour ouvrirait la voie à un nombre croissant d'élèves souhaitant se retirer d'un plus grand nombre de cours.

« Il en résultera le chaos dans les écoles publiques de ce pays », a écrit Sotomayor. « Exiger des écoles qu'elles fournissent un préavis et la possibilité de se retirer de chaque programme de cours ou heure du conte susceptible d'impliquer les croyances religieuses d'un parent imposera une charge administrative impossible à supporter pour les écoles. »

Les parents qui ont intenté le procès sont issus de divers horizons religieux. Tamer Mahmoud et Enas Barakat sont musulmans, tandis que d'autres appartiennent à différentes confessions chrétiennes.

Au cours des plaidoiries, le juge Clarence Thomas a interrogé un avocat représentant les écoles du comté de Montgomery pour savoir si les livres étaient simplement présents dans la classe ou s'ils étaient activement présentés aux élèves.

L'avocat a indiqué que les enseignants avaient dispensé cinq fois au cours de l'année scolaire des cours aux élèves portant sur les livres en question.

Rosalind Hanson, membre du groupe conservateur Moms for Liberty, a déclaré à Fox News Digital lors d'une récente interview devant la Cour suprême qu'elle-même et les autres parents qui ont contribué à porter l'affaire devant les tribunaux « n'essayaient pas de modifier le programme scolaire » pour les parents qui acceptaient que leurs enfants soient exposés à ces livres.

« La majorité des États du pays ont déclaré que vous pouvez choisir de ne pas participer à ces questions et sujets très sensibles, en particulier en raison de la composante religieuse, mais aussi en raison de l'adéquation à l'âge », a déclaré Mme Hanson.

La secrétaire au ministère de l'Éducation, Linda McMahon, a salué cette décision comme une victoire pour les « droits parentaux » et une défaite pour les « bureaucrates ».

« Les parents ont le droit de savoir ce que leurs enfants apprennent à l'école et d'exercer leur liberté de religion garantie par le premier amendement pour refuser les cours controversés et idéologiques qui vont à l'encontre des valeurs et des croyances de leur famille », a déclaré Mme McMahon.

lundi 30 juin 2025

Attaque de colons sionistes contre un village chrétien palestinien (Taybeh/Tayibé)

Témoignage du Père Bachar sur l’attaque de Tayibé.

Le Père Bachar, prêtre de Tayibé en Cisjordanie, témoigne des violences perpétrées par des colons israéliens contre son village chrétien.


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Programme d’éducation à la sexualité à l’école : « Ça va élargir le fossé qu’il y a entre [...] parents et l’institution scolaire »

Le Conseil d’État rejette le recours de sept associations qui demandaient l’annulation du programme d’éducation sexuelle à l’école : « C’était couru d’avance », réagit estime Anne Coffinier, fondatrice de la Fondation Kairos-Institut de France.

Programme d’éducation à la sexualité à l’école : « Ça va élargir le fossé qu’il y a entre un nombre important de parents et l’institution scolaire », d'ajouter Mme Coffinier.


France — Remous autour du programme d’éducation sexuelle à l’école

Le Conseil d’état a rejeté le recours de sept associations, parmi lesquelles le Syndicat de la famille. Le texte entrera en application à la rentrée.

De nouvelles crispations autour du programme d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (Evars) viennent de s’exprimer. Le 27 juin, le Conseil d’état a rejeté le recours déposé par sept associations conservatrices et 300 parents d’élèves pour demander l’annulation de ce programme, qui doit entrer en vigueur à la rentrée de septembre, de la maternelle au lycée, dans les établissements publics et privés sous contrat.

En février, le texte avait été adopté après de nombreuses tergiversations, sur fond d’opposition entre deux lignes irréconciliables : d’un côté, le camp « progressiste », emmené par les associations de défense des droits LGBT ou bien le planning familial, et soutenu par l’essentiel des syndicats enseignants, et de l’autre, le camp conservateur, incarné par le Syndicat de la famille (exmanif pour tous). Au coeur des débats : la question ultrasensible des prérogatives respectives de l’école et des parents, en matière d’éducation à la sexualité.

«Notre recours a été rejeté dans un grand moment de déni de réalité, y compris scientifique», réagit auprès du Figaro Ludovine de La Rochère, présidente du Syndicat de la famille, qui portait ce recours aux côtés des associations Juristes pour l’enfance, SOS Éducation, les Mamans Louves, Au coeur de l’humain, Enfance et compagnie, et Famille et Liberté. En mars, le Conseil d’état avait déjà rejeté le recours en référé porté par ces mêmes associations. Celles-ci faisaient valoir la « primauté éducative des parents » et le « principe de neutralité du service public ». La plus haute juridiction administrative avait estimé que ces éléments n’étaient pas de nature à caractériser l’urgence. Le 27 juin, elle a délibéré sur le fond.

Le programme Evars est « conforme à la volonté du Parlement », explique le Conseil d’état. Il relève d’abord que c’est le code de l’éducation qui, depuis la loi du 4 juillet 2001 sur L’IVG et la contraception, prévoit au moins trois séances d’information et d’éducation à la sexualité. « Le législateur a ainsi voulu que le service public de l’éducation forme les élèves au respect de l’égale dignité des êtres humains et à la lutte contre les discriminations et contribue à prévenir les atteintes à l’intégrité physique et psychique des personnes», observe-t-il. Il estime ensuite que le contenu du programme est « adapté à chaque niveau scolaire et reprend l’état de la science ou du droit ». À l’éducation à la «vie affective et relationnelle», prévue en maternelle et en élémentaire, s’ajoute ensuite l’« éducation sexuelle » à partir du collège. Les enseignements prévus pour « chaque niveau scolaire » s’appuient sur « des notions résultant de l’état de la science ou de l’état du droit », indique le Conseil d’état. Celles-ci «doivent être enseignées de manière neutre et objective, en veillant au respect de l’intimité des élèves, et sans les inciter à adopter un comportement donné », poursuit-il.

« Le Conseil d’état n’étaye pas ses assertions et s’en tient à des affirmations subjectives, qui vont parfois même jusqu’au déni des enjeux de fond et des débats idéologiques actuels » Le Syndicat de la famille

Enfin, le Conseil d’état rappelle que les établissements doivent «au minimum informer » les parents des objectifs de ces enseignements, et que l’éventuelle intervention d’associations extérieures doit être préparée avec des personnels de l’éducation nationale - professeurs ou infirmières scolaires et organisée en leur présence.

Une série d’arguments qui sont loin de convaincre les sept associations dépositaires du recours. Selon le Syndicat de la famille, le Conseil d’état « n’étaye pas ses assertions » et s’en tient à « des affirmations subjectives, qui vont parfois même jusqu’au déni des enjeux de fond et des débats idéologiques actuels ». Selon l’association, la haute juridiction se réfère à la seule introduction de présentation du programme et aux grands objectifs, sans aller voir dans le détail du texte qui définit les notions à aborder selon les âges. Elle regrette notamment que le Conseil d’état ne se soit pas attardé sur l’extrait selon lequel seront abordés en CP « les différents types de familles », notamment « hétéroparentale, homoparentale ».

«L’homoparentalité n’a évidemment rien d’anodin ni de neutre puisqu’elle prive sciemment des enfants de père ou de mère et puisqu’elle renvoie aux débats anthropologiques, éthiques et politiques sur la PMA sans père et la gestation pour autrui », explique l’association héritière de la Manif pour tous. Et pour les associations farouchement opposées à ce programme, certains points sont fondamentalement inacceptables.

« Exposer une distinction entre le sexe et le genre à partir de la classe de cinquième (…), c’est ouvrir auprès d’élèves qui approchent de l’adolescence des doutes vertigineux sur leur propre identité », défend le Syndicat de la famille, qui y voit une «atteinte à l’intégrité physique et psychique des personnes ». La mention, à plusieurs reprises dans le texte, de l’« identité de genre » (le fait de se sentir homme, femme, les deux ou ni l’un ni l’autre), peut « porter atteinte au respect de la liberté éducative des parents ». On se souvient qu’en novembre 2024, le député LR Alexandre Portier, alors ministre délégué aux côtés de l’éphémère ministre de l’éducation Anne Genetet, avait jeté un pavé dans la mare en affirmant qu’il «s’engagerait personnellement pour que la théorie du genre ne trouve pas sa place dans nos écoles ».

Après la chute du gouvernement Barnier, c’est l’actuelle ministre de l’éducation, Élisabeth Borne, qui était parvenue à faire adopter ce programme en février. Un texte annoncé par la Rue de Grenelle depuis juin 2023, qui avait fait l’objet de trois versions depuis mars 2024. C’est dire l’inflammabilité du sujet. Après avoir émis des réserves sur certains points, les associations familiales catholiques (AFC) ne se sont pas associées au recours qui vient d’être rejeté. Quant à l’enseignement catholique, il a déjà affirmé qu’il appliquerait ce programme. Son secrétaire général l’avait affirmé en avril, lors de son audition devant la commission d’enquête sur le contrôle des établissements scolaires par l’état, lancée dans la foulée de l’affaire Bétharram.

Source : Le Figaro

Pourquoi les Français font moins d’enfants qu’ils n’en voudraient

Alors que 70 % des moins de 35 ans déclarent vouloir devenir parents, de multiples freins les dissuadent de fonder une famille.

La France a beau être un pays qui comptera bientôt plus d’enterrements que de naissances, le désir d’enfants n’y faiblit pas. En contradiction avec les chiffres moroses de la démographie, 70% des Français de moins de 35 ans qui n’ont pas d’enfant disent souhaiter devenir parents, dans une enquête de la Fondapol, « Le défi de la natalité » (1) menée en collaboration avec la Fondazione Magna Carta pour l’Italie. Ce pourcentage continue de grimper chez les jeunes de cette tranche d’âge qui sont déjà parents. La famille avec un enfant unique ne s’est pas imposée comme modèle puisque 75% d’entre eux expriment le souhait d’avoir encore un ou plusieurs autres bébés.

Si la parentalité continue de faire rêver la jeunesse, leurs projets de famille sont cependant revus à la baisse au fil du temps. Ainsi, seulement 42% des 3549 ans sans enfant souhaitent en avoir. Et un quart des parents de ces âges espèrent en avoir d’autres.

Depuis plus de dix ans, le chiffre annuel des naissances ne cesse de dégringoler en France : 663 000 bébés ont vu le jour en 2024, soit 21,5 % de moins qu’en 2010. Contredisant l’engagement martial d’Emmanuel Macron d’un « réarmement démographique », les bulletins mensuels de l’Insee se suivent pour annoncer toujours moins de bébés. Le dernier en date relaie une baisse de près de 5 % en mai 2025 par rapport à mai 2024. Il faut dire que l’indicateur de fécondité continue de reculer. À 1,62 enfant par femme en 2024, il n’a jamais été aussi bas depuis la fin de la Première Guerre mondiale. Dans ce contexte de crise des berceaux, cet attrait tenace pour la parentalité a de quoi surprendre.

« Le désir d’enfant est intime, complexe et dépend de nombreux facteurs. Est-ce l’envie de faire des enfants qui baisse ou la possibilité de réaliser ce projet? C’est un sujet de débat chez les démographes. Ces chiffres tendent à montrer que le désir d’enfant n’est pas en train de s’éteindre mais qu’il est plus difficile de faire des enfants aujourd’hui», note l’économiste Maxime Sbaihi, auteur de l’essai Les Balançoires vides, le piège de la dénatalité aux Éditions de l’Observatoire. L’enquête de la Fondapol rejoint les conclusions d’un récent rapport de L’ONU, publié le 10 juin, et qui a sondé les populations de quatorze pays. « La baisse mondiale de la fécondité n’est pas due au fait que les jeunes tournent le dos à la parentalité, mais aux pressions sociales et économiques qui les empêchent d’avoir les enfants qu’ils souhaitent», pointe ce dernier.

Le facteur religieux continue d’avoir une influence sur ces projets puisque les 18-35 ans sans enfants sont plus nombreux à en vouloir quand ils sont catholiques (80%) ou musulmans (78%). En parallèle, l’idée qu’il faudrait faire moins d’enfants pour sauver la planète ne séduit pas à la hauteur de son impact dans les médias. Cette assertion n’est validée que par une minorité des répondants (20 %) même si les moins de 35 ans y sont plus sensibles (31%). «C’est la marque d’un discours écomalthusien qui prend, même s’il a sans doute été surestimé médiatiquement », relève Maxime Sbaihi. Il faudra encore attendre «une dizaine d’années » pour voir si ce lien « très idéologique entre écoanxiété et fécondité» a un impact sur le nombre de naissances.

Ces dernières semaines, la haut-commissaire à l’Enfance, Sarah El Haïry, a alerté sur la progression des attitudes « no kids », hostiles à la présence d’enfants dans l’espace public. Au-delà de son avertissement aux hôtels, restaurants ou voyages organisés qui excluent les mineurs, cette dernière entend mener un combat en profondeur contre une idéologie jugée dangereuse. « Le mouvement “no kids” nie la place de l’enfant dans la société. Ces discours qui véhiculent l’idée qu’un enfant puisse être une nuisance risquent d’être intériorisés. Pour les contrer, il faut redire haut et fort que les enfants ont pleinement leur place partout et accompagner les familles », plaide-t-elle.

La montée en puissance d’un discours peu favorable aux tout-petits a-t-elle un impact concret sur la démographie ? 21 % de jeunes sans enfants et ne souhaitant pas en avoir évoquent leurs « convictions personnelles », sans plus de précisions sur ce choix intime, quand ils sont interrogés sur leur non-désir de faire une famille. D’autres citent plus ouvertement le manque d’envie de «devenir mères ou pères » (19% et 15%). Changeront-ils d’avis dans quelques années? L’âge moyen des mères au premier enfant n’a en tout cas pas cessé d’augmenter pour passer à 31 ans.

Dans les freins à la parentalité, la peur de ne pas être en mesure d’élever correctement un enfant et les difficultés économiques sont citées par près d’un jeune sur six. Un niveau moins élevé qu’attendu alors que la plupart des démographes font le lien entre crise économique et natalité. Dans cette tranche d’âge, le désir de maintenir un équilibre entre vie professionnelle et vie privée joue aussi un rôle important. La question du logement n’est pas non plus jugée négligeable. « Avec l’explosion des prix de l’immobilier et la quasi-stagnation de leur revenu brut, les jeunes qui veulent acheter ont perdu de la surface habitable, souligne Maxime Sbaihi. Quant à la crise des modes de garde, elle est l’un des premiers freins. »

 
Si «le peuple français ne se multiplie plus, alors la France ne peut plus rien être qu’une grande lumière qui s’éteint », avait averti le général de Gaulle en 1945. Aujourd’hui, plus de la moitié des Français (59 %) se disent préoccupés par la baisse de la natalité et attendent davantage de soutien pour mener à bien leur « projet de vie ». La piste d’une réduction d’impôts pour les couples ayant un ou plusieurs enfants est plébiscitée, avec environ deux tiers d’opinions favorables (62%). Mais, parmi les mesures d’encouragement des naissances, l’ouverture de crèches arrive en tête chez les moins de 35 ans (35 %). Alors que l’Assemblée nationale a adopté début juin, en première lecture, une proposition de loi communiste pour verser les allocations familiales dès le premier enfant, 31 % des sondés citent également l’augmentation de ces prestations comme une mesure favorable à la natalité. Dans un pays confronté à la pénurie de main-d’œuvre et à la mise en péril du système de retraite, l’encouragement à l’immigration n’apparaît pas comme une solution aux Français sondés pour remédier aux manques de naissances. Seuls 29 % d’entre eux y sont favorables.

(1) L’enquête française a été réalisée en ligne entre le 15 et le 23 janvier 2025, sur un échantillon représentatif de 3 023 personnes. 




« Le soutien à la natalité exige un plan ambitieux »

Dominique Reynié est professeur à Sciences Po et directeur général de la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol). Il est interrogé par le Figaro.

LE FIGARO. — La crainte d’un déclin de la population française est-elle justifiée ?

DOMINIQUE REYNIÉ. — Oui. Ce déclin provoque une angoisse diffuse dans notre société. Il n’y a rien de plus triste que de voir sa nation vieillir et sembler disparaître. Moins de naissances, cela veut dire moins de femmes capables de procréer demain. C’est une spirale. Nous compterons bientôt plus de décès que de naissances. Est-ce l’extinction de notre communauté historique, culturelle, politique? Notre étude montre cependant qu’il y a des raisons d’espérer. Le désir d’enfant ne décline pas. Si les Français font moins de bébés, ce n’est pas faute d’en vouloir. Une population dont les jeunes souhaitent avoir des enfants, c’est une force. La baisse de la natalité reflète donc un désir empêché plutôt qu’un rejet de la parentalité.

— Le « réarmement démographique » promis par Emmanuel Macron n’a pas encore eu lieu. Les politiques sous-estiment-ils l’importance du défi de la natalité pour l’avenir du pays ?

— L’apparition de l’État a amené l’idée que sa puissance est fonction de sa population. Cette idée est profondément ancrée dans la culture politique française. Longtemps, on y a vu aussi un signe de prospérité. Au XVIIIe siècle circulait cet adage : «Peuple nombreux, peuple heureux.» Cette conscience politique démographique a marqué notre inconscient collectif. Hélas ! Depuis une quarantaine d’années, les politiques oublient que le premier de leurs devoirs est la reconduction du peuple dont ils ont la charge. Nos dirigeants, craignant souvent de passer pour sexistes et réactionnaires, ne portent plus de discours en faveur de la natalité. Jusqu’aux années 1980, la démographie était encore tirée par la combinaison de l’héritage religieux, catholique, et de l’État-providence. Depuis, aucune politique n’a répondu à l’affaiblissement de ces deux facteurs. Des signaux contraires ont même été envoyés avec le rabotage de la politique familiale sous François Hollande. Renouer avec une natalité dynamique suppose une politique de soutien aux naissances. Le drame est que nos dirigeants sont encore moins capables de gérer les conséquences du déclin démographique, comme le montrent l’état de notre système de retraite et celui de nos finances publiques… L’hiver démographique risque de créer une société plus chaotique, avec moins de solidarité entre les générations.

— Les Français attendent plus de mesures du gouvernement pour favoriser la natalité. Lesquelles seraient les plus efficaces ?

La première est d’assumer un discours en faveur de la natalité. Du côté des jeunes, c’est l’aménagement du temps de travail des parents qui est attendu, ce qui suppose une mobilisation globale impliquant les entreprises. De plus, les efforts doivent largement converger vers les femmes, car, de fait, la charge liée à l’éducation pèse davantage sur elles, et trop souvent au détriment de leur carrière. Il faut aussi remédier au manque criant de places en crèche. Par ailleurs, si les raisons économiques sont moins évoquées qu’on ne pouvait s’y attendre, le logement demeure un obstacle après le premier enfant. Le soutien à la natalité exige un plan ambitieux, mais la France reconduit des politiques sociales parfois improductives, souvent coûteuses, alors qu’elle investit trop peu dans les familles, qui sont pourtant la condition de la société.

— Dans l’enquête, les Français estiment que le recours à l’immigration n’est pas une solution pour contrer la baisse des naissances…

— Oui, car, en l’état actuel des choses, présenter l’immigration comme une réponse à la crise démographique revient, pour la plupart des Français, à proposer un problème comme solution. C’est d’ailleurs à l’origine de polémiques sur le « grand remplacement ». Il faut bien constater les ratés de l’intégration. Le taux d’emploi des immigrés en France est le plus bas d’Europe. De plus, comment peut-on faire des arrivants ces actifs à haute valeur ajoutée dont nous aurons de plus en plus besoin chaque année ? Aucune nation ne peut admettre que son futur réside dans l’idée simpliste et brutale d’une importation croissante de populations dont les valeurs sont souvent profondément différentes. Il est injuste, malhonnête ou absurde de voir du racisme ou de la xénophobie dans ces inquiétudes, d’autant plus qu’elles ne suscitent aucune réponse de la part des gouvernants.

— Un discours « no kids » a émergé. Est-ce le début d’un phénomène de société ?

— Le refus de faire des enfants reste une attitude marginale, mais ce discours prend beaucoup de place dans le monde médiatique. Certains revendiquent de manière sincère le souci de la planète. Mais le « no kids » recouvre aussi la préférence pour un mode de vie individualiste, souvent plus consumériste, tandis que le discours médiatique balance entre un grand silence et une vision négative - voire hostile - de la famille et des enfants. C’est ainsi qu’on en arrive à imaginer des effets néfastes de la natalité française sur le climat… C’est dire que l’on ne modère pas les craintes des jeunes qui aspirent à la parentalité. Si certaines questions sont légitimes, le bonheur d’être parent est trop rarement mis en avant. On oublie de dire à quel point les enfants sont inspirants et apportent l’essentiel au monde : la vie même.


Source : Le Figaro